Expédition d'Egypte (1798-1801)
Corpus des documents en arabe et en turc de la sous-série GR B6 - Armée d'Orient.
Dans la série GR B du Service historique de la Défense qui couvre la période, la sous-série GR B6est dévolue à l’armée d’Orient (Égypte, 1798-1801).
Les troupes françaises, parties de Toulon en mai 1798, débarquèrent à Alexandrie le 1er juillet, après avoir pris le contrôle de l’île de Malte en cours de route. Le général Bonaparte en assurait le commandement. Lorsqu’il décida de rentrer en France en août 1799, il désigna le général Kléber pour lui succéder. Après l’assassinat de ce dernier en juin 1800, le commandement de l’armée revint au général Menou. L’objectif principal de l’expédition était de s’emparer de l’Égypte, alors province de l’Empire ottoman, afin d’y développer une colonie et d’entraver le passage de la route des Indes par la puissance britannique. L’armée d’Orient se heurta à de multiples révoltes et à de fortes résistances, à la destruction totale de sa flotte à Aboukir, de même qu’à plusieurs tentatives ottomanes de débarquement. Finalement elle dut céder à l’offensive générale menée par les Ottomans avec l’aide de leur allié anglais à partir de mars 1801. Elle parvint cependant à négocier son évacuation et les dernières troupes rembarquèrent à Alexandrie début octobre 1801.
L’expédition s’acheva sur un échec militaire évident. Pourtant, jusqu’à nos jours, elle continue d’exercer une fascinationcertaine. En Égypte, les milliers de militaires et les quelque 150 savants, ingénieurs et artistes qui les avaient accompagnés suscitèrent une indéniable curiosité au sein de la population locale. La brutalité du choc militaire n’excluait pas de féconds contacts et des échanges fructueux. Ils contribuèrent à accélérer et à approfondir les changements politiques, économiques et sociaux qui avaient débuté sur les rives du Nil deux ou trois décennies plus tôt. En France, l’Egypte devint source d’une fascination qu’amplifia la parution de la monumentale Description de l’Égypte.
La présente base de données est le fruit d’un dépouillement systématique de la sous-série GRB6 réalisé dans le cadre d’un projet scientifique menée à partir de 2017 à l’IFAO (Institut français d’archéologie orientale du Caire). Il vise à faire connaître et à mettre à la disposition du public un corpus de plus d’un millier de documents, rédigés totalement ou partiellement en arabe et parfois en turc ottoman.
Si quelques-uns sont bien connus et ont fait l’objet d’études et de publications, l’immense majorité des pièces demeure totalement ignorée. Pourtant ces documents sont du plus grand intérêt et constituent un corpus exceptionnel.
Les quelque 80 pièces en turc proviennent presque exclusivement de la correspondance entre les autorités ottomanes et françaises. Par contre, celles en arabe sont beaucoup plus diversifiées. Elles ont parfois été produites par l’administration française elle-même avec l’aide des drogmans et des traducteurs recrutés en France, en Italie ou encore à Malte, ou en association avec des Orientaux qui avaient une bonne maîtrise d’une langue européenne (français ou italien). La plupart des documents en arabe ont été produits par des Orientaux, personnalités prestigieuses déjà bien connues (émirs mamelouks ou grands ulémas), mais pour l’essentiel leurs auteurs sont des hommes bien plus anonymes (cheikhs de village, chefs de tribus, muftis, juges, négociants, intendants coptes, etc.). Leurs pétitions, rapports et lettres sont en mesure d’apporter des éléments nouveaux sur les événements et une vision nuancée sur les relations entre la population locale et les Français.
D’un point de vue linguistique, ces documents sont révélateurs de niveaux et d’usages très diversifiés de l’écrit, pratiqué par des individus appartenant à des milieux culturellement très divers. Ils offrent un point de vue unique sur les pratiques de l’arabe à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle.
D’un point de vue historique, les traductions, les résumés et les apostilles en français qui accompagnent ces documents apportent un éclairage précis non seulement sur des faits, mais aussi sur les multiples procédures administratives mises en place par les Français.
D’un point de vue diplomatique, les documents témoignent de règles et de procédures extrêmement variées qui relèvent généralement de pratiques orientales, mais aussi de pratiques parfois influencées par celles de l’Europe.
Par ailleurs l’ensemble de ce corpus est révélateur de la perception qu’avaient les hommes de l’expédition de la société et des institutions égyptiennes. En outre, il montre comment divers groupes sociaux locaux comprenaient et interprétaient des concepts, des manières d’être et d’agir des Français.
Date de modification : 4 juillet 2024